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23 avril 2021 5 23 /04 /avril /2021 09:36
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Vingt-cinq organisations ont écrit le 8 mars à la présidente de la Commission européenne pour lui demander d'agir contre l'"islamophobie gouvernementale" française. Un texte signé par certaines associations au profil trouble qui mêle condamnations de la loi contre le séparatisme et des caricatures de Mahomet.

Les accusations d'islamophobie fleurissent. Pendant que l'IEP de Grenoble se déchire après que les noms de deux professeurs ont été placardés devant l'établissement, c'est au tour du gouvernement français de se voir accusé d'"islamophobie". Vingt-cinq organisations ont signé une lettre adressée à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour l'inviter à agir contre les "lois islamophobes françaises". Un texte accumulant les confusions et faisant fi de la menace posée par l’islamisme. Où se mêlent dénonciation d’une "islamophobie" qui structurerait le gouvernement et condamnation des caricatures de Mahomet. Le profil de certaines associations signataires interroge.

Pour les organisations émettrices du texte, pas de doute, le gouvernement français produit une "islamophobie" "structurelle" et "systémique". D'où leur appel à Ursula von der Leyen : "il est impératif que vous preniez un rôle de premier plan en tant que présidente de la Commission européenne pour intervenir dans les lois françaises qui visent les musulmans."

"AGENDA RACISTE ET ISLAMOPHOBE"

À la lecture des 56 points de la lettre rédigée en anglais, on comprend que la récente loi confortant le respect des principes républicains, votée à l'Assemblée nationale, est notamment visée. Les associations assènent que le "gouvernement français a exploité l'assassinat de Samuel Paty pour son propre agenda raciste, discriminatoire et islamophobe." Sans un mot de condamnation de l'attaque ou même de compassion pour le professeur. "Dans le sillage de l'assassinat de Paty, Macron et ses ministres se sont promis de prendre des mesures préventives sévères, et ont dirigé leurs actions vers les musulmans ordinaires. Au lieu de chercher à remédier aux crimes, son gouvernement a opté pour une punition collective" écrit la lettre.

Contactée par Marianne, l'association Cage qui signe le texte explique la démarche au nom de la coalition d’organisations : "La montée du soutien pour l’extrême droite en France est une conséquence de la suspicion constante jetée sur les musulmans et est réminiscente de la plus sombre histoire Française."

Les signataires pointent également la charte de l'islam. Ce texte soutenu par Emmanuel Macron réaffirme la "compatibilité" de l'islam avec les principes républicains, condamne l'instrumentalisation de l'islam à des fins politiques et rejette toute ingérence étrangère.

"Cette charte est discriminatoire par nature" déclarent les signataires, regrettant notamment l'emploi du terme "islam politique", estimant que dans la manière où il est employé, "tout musulman dans une société démocratique, qui débute ou rejoint un parti politique qui est inspiré ou basé sur un ethos islamique, ou tout musulman qui parle d'enjeux politiques ou sociaux d'une quelque manière que ce soit, même depuis un organisme de bienfaisance, est criminalisé sous ce terme."

"DES CAMPAGNES ESSAIENT DE FAIRE TAIRE TOUTE CRITIQUE DES RELIGIONS"

Un discours bien connu pour les observateurs. "C'est la rhétorique habituelle qui consiste à récuser par avance toute forme d’investigation des pouvoirs publics en matière de lutte contre la radicalisation comme étant une attaque contre le musulman ordinaire" s'insurge Gilles Clavreul, préfet, ancien délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et cofondateur du Printemps Républicain. "Je ne crois pas qu’il y ait d’islamophobie en France, renchérit Emmanuel Maurel, député européen. Ça fait partie des campagnes politiques menées depuis plusieurs années pour essayer de faire taire toute critique des religions."

D'autant que sur le volet de la critique des religions, la lettre va plus loin, assurant que "les caricatures diffamant le prophète sont en violation des lois des Nations Unies" - chaque mention du prophète était suivie d'un : "que la paix soit sur lui". "La démarche s'apparente à du bluff, assure Gilles Clavreul. Ses initiateurs se doutent bien que la Cour européenne des droits de l'homme ou la Cour de Justice de l'Union européenne ne condamneront pas les caricatures de Charlie."

CERTAINS SIGNATAIRES INTERROGENT

Mais le plus éloquent est peut-être à chercher du côté des signataires : 25 organisations - au moins l'une d'elles désigne en fait visiblement un individu - issues de 11 pays. Parmi elles : CAGE, une association britannique née en 2003 en dénonçant les incarcérations à la prison de Guantánamo où le "directeur de la sensibilisation" de l'organisation a lui-même séjourné. "Sous couvert de lutte contre l’islamophobie, CAGE est en lien avec la mouvance islamiste internationale, y compris avec la mouvance djihadiste" alerte Gilles Clavreul. "Gravitent autour de Cage mais aussi de MEND - [une autre association signataire, N.D.L.R.] à la fois des figures de la mouvance frériste internationale comme Tariq Ramadan, des gens proches des organisations de gauche et de véritables radicaux."

Plusieurs interventions de Tariq Ramadan figurent d'ailleurs sur la page Facebook de CAGE. Comme une interview de juillet 2018 ou un discours lors d'un évènement en juin 2016.

Sept des associations viennent des Pays Bas, dont un mystérieux "Collectif contre l’islamophobie aux Pays Bas", écrit en français à la fin de la lettre, et dont le nom rappelle le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) dissous en décembre 2020 car accusé de diffuser "avec constance une action de propagande islamiste." "Toutes ces associations signataires ont des liens avec les Frères Musulmans" affirme Zihni Özdil, historien et ancien député écologiste au Parlement néerlandais qui a écrit en janvier un texte à Emmanuel Macron pour le "remercier" de "reprendre le rôle historique de la France comme leader du combat humain pour la liberté". "Les Frères Musulmans ne propagent pas la violence ouvertement, leur objectif est de pénétrer les institutions occidentales démocratiques" explique-t-il. Avant de conclure : "Cette lettre est obscène et insultante."

TROIS ORGANISATIONS FRANÇAISES

En France, le Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) figure parmi les signataires. Engagé dans la lutte contre les discriminations contre les personnes noires, Ghyslain Vedeux qui se présente comme président de l'association justifie à Marianne sa signature du texte : "À l'échelle nationale comme à l'échelle Européenne nous nous mobilisons en soutien à tous les groupes minorisés et marginalisés et dans ce cas précis le CRAN se mobilise à l'échelle nationale et aussi internationale pour dénoncer les traitements des politiques contres les personnes musulmanes ou supposées musulmanes."

Mais sa légitimité au sein de l'association est contestée. Lova Rinel Rajaoarinelina qui revendique le titre de présidente et assure que Ghyslain Vedeux a été destitué de son poste explique : "Cette lettre je suis vent debout, c’est tout le contraire. Le CRAN affirme qu’il n’y a pas une chasse aux musulmans mais une chasse contre l’islam politique qu’il faut avoir.Beaucoup de gens à cause de ces propos vont penser que la communauté noire est contre la lutte contre l’islam politique."

Le nom de Lallab figure aussi au bas de la lettre, sans que l'association ait confirmé à Marianne sa participation. Cette organisation se définitcomme "féministe et antiraciste" et affirme avoir pour but "de faire entendre les voix et de défendre les droits des femmes musulmanes qui sont au cœur d’oppressions sexistes, racistes et islamophobes." Enfin, un dernier nom figure : CALAM qui désignerait un média militant, mais là aussi sans confirmation.

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